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1936, nouvelles images, nouveaux regards sur le Front Populaire

© coll. musée de l'histoire vivante

© coll. musée de l’histoire vivante

Le Musée de l’Histoire vivante de Montreuil s’est donné pour mission, depuis 1939 date de sa création, de travailler sur l’identité de la ville et de la banlieue et de témoigner de la vie ouvrière. Situé au cœur du Parc Montreau, il contribue à la préservation de la mémoire sociale et collective.

1936 est à l’honneur cette année dans de nombreux lieux culturels pour commémorer quatre-vingts ans du Front Populaire, moment politique fort par la coalition des partis de gauche – le parti socialiste avec Léon Blum, le parti radical socialiste d’Edouard Daladier et le parti communiste de Maurice Thorez. Pendant trois ans aux commandes de la France, le Front Populaire essaie de répondre à l’inquiétude des Français dont les principaux slogans sont : Pain, Paix, Liberté et Le fascisme ne passera pas. Les lois travail obtiennent en 1936 l’abaissement du temps de travail à 40 heures, les congés payés, l’augmentation des salaires, l’élaboration des conventions collectives et la reconnaissance des libertés syndicales.

C’est cette matière vive d’un pays en marche, quelques années après la crise financière de 1929, que montre l’exposition à partir de photographies, affiches, magazines, ouvrages, programmes, insignes, drapeaux, tracts et textes, des petits formats aux grandes fresques. Des ouvriers en grève poings levés, casquettes sur la tête ; des usines occupées, des manifestations ; des bals populaires ; les premières vacances entre culture, sport et loisirs ; les résistants de la guerre d’Espagne et la chute de Madrid ; le colonialisme.

Ces récits en images ont été couverts par les plus grand(e)s photographes – Robert Capa, David Seymour dit Chim, Henri Cartier-Bresson, Nora Dumas, Gisèle Freund, André Kertész, Willy Ronis, Gerda Taro -. Les témoignages de photographes moins connus comme Marcel Cerf, France Demay et Pierre Jamet se mêlent aux premiers. Les revues Vu et Regards des années 1934 à 1939 portent la trace de ces moments forts où l’Etat joue un rôle régulateur, où le peuple de France s’exprime, les intellectuels se positionnent et où les politiques français et internationaux cherchent la paix.

En ouverture, s’exposent les photographies des moments phares et les images-icônes des grèves et du Front Populaire. Dans la première salle, les images et commentaires sont choisis par les héritiers des signataires de l’appel au rassemblement populaire du 14 juillet 1935, entre grèves et réformes. Une colonne Morris est couverte d’affiches. Différentes sections sont ensuite déclinées dans un parcours d’exposition intense et varié. La guerre d’Espagne est très documentée : du soulèvement de juillet 36 jusqu’à la défaite du gouvernement républicain et la chute de Madrid en mars 39, passant par le bombardement de Guernica, en 37 : couvertures de magazines, journaux de brigades, photographies des collectes de lait, des campagnes de soutien à l’Espagne faites à Montreuil et ailleurs, l’illustrent.

Plus loin, le chapitre des congés payés dont les mots clés sont  sports, loisirs et culture. La laïcité, l’éducation et la culture pour tous sont les marqueurs de la gauche, avec les figures phares que sont Jean Zay ministre de l’Education Nationale et Léo Lagrange ministre des Sports et des Loisirs. Auberges de la jeunesse, campings et plages, tandems et pique-niques en campagne, bibliothèques, piscines etc… forment une riche section dans l’exposition, avec d’immenses photographies collées aux murs, des affiches et programmes de théâtre, des ouvrages dans les vitrines. Le bonheur est collectif.

Les commissaires de l’exposition – Eric Lafon, Frédéric Cépède et Jean Vigreux – n’ont pas opté pour un déroulé chronologique, ils mettent le projecteur sur certains thèmes, sans hiérarchie et présentent ce qu’ils appellent des angles morts de l’Histoire : la question coloniale – Algérie, Afrique subsaharienne, Madagascar, Asie du Sud-Est – ; le stalinisme et les procès de Moscou des représentants de la vieille garde bolchévique du temps de Lénine, qui annoncent les purges staliniennes et la répression ; la question des droits des femmes, et si Cécile Brunschvicg, Irène Joliot-Curie et Suzanne Lacore furent nommées secrétaires d’État, il est bon de se rappeler qu’en tant que femmes elles n’avaient pas le droit de vote et n’étaient pas éligibles. De réflexion en digressions, le visiteur construit son chemin à travers l’exposition et reconstitue la mémoire visuelle du Front Populaire, en butinant dans les différentes sections.

1936, nouvelles images, nouveaux regards sur le Front Populaire. Que reste-t-il  de ce moment ? Des acquisitions sociales vitales pour une société plus juste et solidaire, une respiration entre deux chaos, des utopies, un foisonnement culturel, de la fraternité. L’exposition est féconde et interroge la part du mythe.

Brigitte Rémer, 2 juillet 2016

Du 9 avril au 31 décembre 2016 – Musée de l’Histoire vivante, Parc Montreau, 31 bd Théophile Sueur. 93100 Montreuil – Tél. : 01 48 54 32 44 – mercredi, jeudi et vendredi de 14h à 17h, samedi et dimanche de 14h à 17h30, entrée : 2 euros – www.montreuil.fr

A voir aussi : 1936, le front populaire en photographie, du 19 mai au 23 juillet 2016, Hôtel de Ville de la Mairie de Paris. Salle Saint-Jean. 5 rue Lobau. 75004. Métro : Châtelet ou Hôtel de Ville – Ouvert de 10h à 18h30 sauf dimanche et jours fériés, entrée gratuite.